Habiter la bibliothèque des Lumières : la bibliothèque de l’université de Göttingen (gravure, 1740) (BnF, LI-72 (6)-FOL)

La bibliothèque des Lumières comme service public

Histoire moderne

À l'occasion de la Journée mondiale du livre, Emmanuelle Chapron, directrice d'études à l'EPHE - PSL, spécialiste de l'histoire du livre, nous présente ses travaux sur les bibliothèques des Lumières.

Au XVIIIe siècle, les bibliothèques royales changent de fonction au sein des États européens. Plus officiellement et largement ouvertes, elles incarnent désormais le paradigme de l’utilité publique, qui participe à la légitimation du pouvoir monarchique. Si cette politique par le haut est maintenant bien connue, il reste à comprendre comment les individus ont fait l’expérience de ce tournant. À Paris, les lecteurs de la Bibliothèque du roi expriment les exigences attachées à ce « service public ». Les administrateurs de la monarchie l’utilisent comme un centre de documentation administratif, en complément des dépôts d’archives ; les familles viennent y chercher des pièces pour leurs procès ou leur généalogie.

 

Comme l’a souligné Dominique Margairaz, la fixation du syntagme de « service public » au cours du XVIIIe siècle traduit la pénétration de la société par l’action administrative de l’État, mais il dégage aussi un horizon d’attente et d’action inédit, dont s’emparent les simples lecteurs. Les bibliothèques des Lumières nous permettent d’approcher par le bas la genèse de ce qui nous est aujourd’hui familier – l’idée d’une bibliothèque qui met ses livres, mais aussi beaucoup d’autres choses (archives, information bibliographique, lieu chauffé et éclairé) au service de ses lecteurs.

 

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Emmanuelle Chapron, ancienne élève de l'École Normale Supérieure, agrégée d'histoire, ancien membre junior de l'Institut universitaire de France, est professeure des universités et directrice d'études cumulante à l'École Pratique des Hautes Études – PSL (Histoire et civilisation du livre).