Lémuriens

Alzheimer : immunisation ciblant la protéine β-amyloïde chez un lémurien

Recherches de Nadine Mestre-Francés et de son équipe.

La maladie d'Alzheimer est une maladie neurodégénérative caractérisée par une atteinte progressive et irréversible du cerveau. La perte des cellules nerveuses est lente mais inexorable. La maladie d'Alzheimer appartient au groupe des maladies appelées « démences » et elle en est la cause la plus fréquente dans le monde.

 

Les essais cliniques évaluant des traitements curatifs contre la maladie d’Alzheimer ont été et sont encore très nombreux à ne pas aboutir. L’immunothérapie comme stratégie thérapeutique pour lutter contre les maladies (infections virales, cancers…) a été une vraie révolution permettant d’ouvrir la voie à des alternatives à une pharmacologie plus classique et moins sélective. Il est ainsi possible grâce à des anticorps de cibler très précisément une protéine dans l’organisme humain et de la bloquer, voire de l’éliminer.

 

Dans le contexte de la maladie d’Alzheimer où des protéines toxiques s’accumulent dans le cerveau (notamment la protéine β-amyloïde et la protéine Tau), l’immunothérapie est un moyen de limiter et de retarder cette accumulation. Les premiers essais cliniques chez l’homme utilisant la technique de l’immunothérapie dans la maladie d’Alzheimer ont entrainé des effets indésirables et se heurtent aux limites des modèles animaux utilisés, le plus souvent des souris transgéniques âgés de 6 mois à un an.

 

Pour une approche translationnelle, il faut disposer de modèles animaux se rapprochant le plus possible phylogénétiquement de l’homme. L’équipe de Nadine Mestre-Francés a utilisé comme modèle des lémuriens âgés qui développent en vieillissant des troubles cognitifs et des lésions cérébrales, notamment l’accumulation de protéine β-amyloïde sous forme de plaques. Afin de valider l’innocuité et l’efficacité d’un vaccin thérapeutique anti-amyloïde sur des animaux âgés (5 à 10 ans), l’équipe a administré un dérivé de la protéine β-amyloïde pour stimuler la fabrication d’anticorps dirigés contre cette protéine. Bien que la réponse immunitaire chez les individus âgés reste faible, elle a entrainé une réduction significative des dépôts intracellulaires et extracellulaires de la protéine amyloïde sans entrainer de risques inflammatoires ou hémorragiques accrus. De plus une amélioration cognitive a été observée pendant la durée du traitement, probablement due à la diminution de la β-amyloïde circulante.

 

L’utilisation de lémuriens âgés permet de disposer d’un modèle animal naturel de la maladie dans sa phase précoce, ce qui est un atout précieux pour accélérer les phases de recherche et développement de futurs traitements.

 

Nadine Mestre-Francés, directrice d’études à l’École Pratique des Hautes Études - PSL, directrice adjointe de l’unité mixte de recherche Mécanismes moléculaires dans les démences neurodégénératives (UMR MMDN) publie les résultats de recherche de son équipe dans Brain Behavior and Immunity 1.

 

1 Trouche SG, Boutajangout A, Asuni A, Fontés P, Sigurdsson EM, Verdier JM, Mestre-Francés N. Amyloid-β targeting immunisation in aged non-human primate (Microcebus murinus). Brain Behav Immun. 2023 Mar;109:63-77. doi: 10.1016/j.bbi.2022.12.021. Epub 2022 Dec 30. PMID: 36592872; PMCID: PMC10023341.