Fourmis. Copyright : ISYEB / Muséum national d'Histoire naturelle / EPHE - PSL

Un supergène, liant sédentarité et coopération, découvert chez une petite fourmi européenne

La vie associe généralement la mobilité à la survie des espèces. Pourtant, une association génétique inédite entre des comportements de coopération et de sédentarité (l'absence d'ailes) a été découverte chez une petite fourmi européenne, Myrmecina graminicola, par une équipe internationale, constituée de 5 personnels de l’École Pratique des Hautes Études, menée par Stefano Mona et Claudie Doums (ISYEB/EPHE - PSL). 

Une analyse génétique caractérisant l’absence d’ailes

Le génome complet de l’espèce a été décrypté puis analysé chez 68 reines prélevées dans la forêt de Fontainebleau. L’équipe a ainsi pu mettre en évidence un supergène – section de chromosome transmise d’un seul bloc à la descendance – déterminant le comportement de coopération et de sédentarité de ces reines.

La royauté chez les fourmis est généralement exclusive : une seule reine procréé ses ouvrières qui participent en retour aux différentes tâches de la colonie, dont la recherche de nourriture. Quand le stock est suffisant, des jeunes reines et des mâles ailés vont s’accoupler en vol puis tomber au sol. Le mâle meurt tandis que la reine recherche un trou pour démarrer, seule et grâce à ses réserves, sa colonie. 

Or chez M. graminicola, certaines reines n'ont pas d'ailes. Elles ne peuvent donc ni voler ni fonder, seule, leur colonie faute de réserves. Aussi, au lieu d’utiliser leur descendance, ces reines vont recourir aux ouvrières de la colonie mère pour en fonder une nouvelle. C’est la première fois qu’a pu être identifiée la petite région du génome codant pour l’absence d’ailes.

 

Un lien génétique entre coopération et sédentarité

Plus intéressant encore est que le comportement des fourmis en est aussi bouleversé. L’équipe a en effet pu observer que, dans certaines colonies, des reines co-existent et pondent des œufs alors que dans les autres colonies, une seule reine est admise. Le comportement de coopération des reines est codé génétiquement pas un supergène : il suffit que la reine et une partie de ses ouvrières le possèdent pour que la colonie accepte de nouvelles reines (elle-même porteuse du supergène). Le supergène contient toujours le gène déterminant l'absence d'ailes, liant ainsi de façon inéluctable coopération et sédentarité. Si les modèles mathématiques prévoyaient une telle association génétique, son identification est une avancée notable.

 

De nouvelles questions 

Il s’agit désormais de comprendre les mécanismes génétiques exacts à l’origine d'une telle association, notamment en explorant les génomes d’espèces proches de M. graminicola. Le mécanisme d’acceptation sociale à l’œuvre dans ces colonies pose aussi question : comment reines et ouvrières peuvent-elles se reconnaitre ? Enfin, les facteurs environnementaux, favorisant sédentarité et coopération restent à explorer. L’hypothèse de l’influence de la fragmentation des habitats et des ressources disponibles est testée.

 

 

Contacts scientifiques : 
Claudie Doums / Stéfano Mona

 

Communiqué de presse

 

L’article est paru dans la revue Current Biology le 20 novembre 2025 (librement accessible durant 50 jours).

DOI : https://doi.org/10.1016/j.cub.2025.10.065