Avis de soutenance - doctorat - Renaud LABY

Dès son émergence, au mitan des années 1990, l'Église catholique s'est très vite emparée du web, le percevant comme un nouvel outil de communication en mesure d'appareiller sa mission d'évangélisation. Á la fin de la décennie, le Vatican et une large majorité des diocèses de France disposaient d'un site internet. Á la faveur d'une libération, grâce à la toile, de l'expression des subjectivités, s'est néanmoins développée, à côté du web institutionnel, une cathosphère où des fidèles prennent publiquement la parole au nom de leur foi catholique sans aucune autorisation – pourtant requise par le droit canonique – de la hiérarchie. Au sein de cette cathosphère est apparue, dans les années 2000, une blogosphère d'opinion essentiellement animée par des laïcs. Là, ces derniers, contournant les gardiens de l'accès à l'espace public, diffusent une parole contestataire et manifestent leurs convictions relatives à la gouvernance de l'Église et à la politique nationale afin de mobiliser les fidèles. Pour ce faire, ils conçoivent un programme, définissent une stratégie, gèrent une audience, mettent des internautes en relation numérique et suscitent la réaction de certains. En d'autres termes, ces blogueurs agissent un militantisme numérique au sein d'un catholicisme traversé de tensions et d'oppositions entre fidèles d'ouverture, d'identité et d'intransigeance, les plus engagés dans le travail religieux. Depuis La Manif pour tous en 2012-2013, cette pluralité se recompose au gré des événements sociopolitiques et intra-ecclésiaux. C'est ce militantisme confessionnel en ligne et les effets de la blogosphère catholique d'opinion sur l'Église de France qu'interroge ce travail doctoral. La thèse s'intéresse à la trajectoire militante et à la parole de protestation de quatre blogueurs parmi les plus lus : François Vercelletto (États d'âme), René Poujol (Cath'lib), Erwan Le Morhedec (Koztoujours) et Guillaume de Thieulloy (Le Salon Beige). La première partie de l'exposé inscrit ce militantisme en ligne dans la sociohistoire du web, espace de communication qui n'est pas sans incidence sur le social et l'ecclésial. Dans sa deuxième partie, la thèse rend compte de la trajectoire militante des blogueurs : les éléments de leur histoire qui ont encouragé leur engagement en ligne et les motifs de ce dernier sont analysés au moyen des ressources théoriques de la sociologie du militantisme et de l'interactionnisme symbolique. Dans la troisième partie, les contenus des blogs sont scrutés « à la main » puis au moyen d'un outil logiciel sur le temps long, de 2011 à 2020 environ. Enfin, sont apportés, dans une ultime partie, des éléments relatifs à la réception de la parole des blogueurs par les internautes. Au final, la thèse montre que la blogosphère catholique d'opinion participe de la structuration du pluralisme interne au catholicisme français. Si s'observe en elle une possible recomposition en cours des appartenances des fidèles modérés – tant du côté de l'ouverture que de l'identité – pour faire front à l'intransigeance, cette blogosphère contribue surtout à polariser les sensibilités politico-religieuses : elle inscrit en effet les internautes dans des espaces d'expression concurrents, idéologiquement clos, peu enclins au débat contradictoire et à la délibération. Aussi ces blogs militants sont-ils dans l'incapacité de susciter un commun de pensée et d'action en mesure de peser sur l'espace public intra- et extra-ecclésial.