Requin blanc

L'histoire évolutive du grand requin blanc racontée par son ADN

Une équipe de recherche internationale a examiné l’histoire évolutive du grand requin blanc à partir de l’étude de son ADN. Emmenée par des chercheurs de l’Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité (MNHN, CNRS, Sorbonne Université, EPHE - PSL, Université des Antilles) l’étude publiée dans la revue PNAS, révèle des résultats inattendus sur les origines de la structuration génétique de cette espèce.

Le code génétique contenu dans l’ADN permet de retracer l’histoire des espèces et des populations. L’information contenue dans l’ADN autosomal (issu du noyau des cellules) et mitochondrial (transmis par les mères) a intéressé plus particulièrement l’équipe pour comprendre les mécanismes évolutives qui ont généré la variabilité observée.

 

Parfois, ces sources d’information racontent des histoires contradictoires, c’est ce que l’on appelle la discordance mito-nucléaire. C’est le cas chez certaines espèces de requins, et en particulier chez le grand requin blanc, Carcharodon carcharias. Cette contradiction entre ADN nucléaire et mitochondrial dans cette espèce a souvent été expliquée par le comportement supposé des femelles, qui se reproduiraient là où elles sont nées, tandis que les mâles migreraient davantage : c’est la philopatrie femelle. Cette hypothèse n’avait cependant jamais été explicitement testée. Pour explorer cette question, l’équipe (en collaboration avec le Vertebrate Genome Project) a assemblé un génome complet à haute résolution et reconstruit l'histoire démographique du requin blanc à l'aide de données provenant de centaines d’individus échantillonnés à travers l’aire de distribution de l’espèce.

 

Les résultats montrent que les requins blancs formaient une population ancestrale unique qui s’est fragmentée récemment, il y a environ 7 000 ans, en quatre populations majeures : la côte Est des Etats-Unis, l’Afrique du Sud, l’Australie et le Pacifique Nord. Tandis que les populations de l’hémisphère sud sont restées très proches génétiquement, celles de l’hémisphère nord se sont davantage isolées. La génétique des populations a ensuite été utilisée pour examiner les conséquences évolutives d’une éventuelle philopatrie femelle. Si le modèle réussit à générer des données cohérentes avec les variations observées sur le chromosome Y (porté uniquement par les mâles) et les autres chromosomes nucléaires, il ne parvient jamais à reproduire les données mitochondriales, même en cas de philopatrie extrême (sans aucune migration des femelles).

 

Structure de la population mondiale du grand requin blanc.
Structure de la population mondiale du grand requin blanc.

 

Cette découverte suggère qu’un autre mécanisme, la sélection naturelle, serait à l’origine de cette discordance génétique, nuançant l’hypothèse de la philopatrie femelle. L’approche proposée devrait être étendue à d'autres espèces de requins chez lesquelles la philopatrie a également été suggérée. Une bonne compréhension de la structure et des déplacements des populations est en effet essentielle pour assurer la protection de ces espèces souvent vulnérables ou en danger.

 

 

  « Cette publication de Romuald Laso-Jadart, dont je suis coauteur avec mon collègue Gavin Naylor (Université de Floride), est l'aboutissement d'une collaboration commencée en 2016 entre mon laboratoire et celui de Gavin. À l'époque, les ressources génomiques étaient rares et nous nous sommes arrêtés à l'observation empirique de cette divergence entre l'ADN mitochondrial et l'ADN nucléaire, qui semblait trop importante pour être uniquement le résultat de la philopatrie féminine.

   Il a fallu plusieurs années avant que nous puissions enfin tester cette hypothèse, en profitant de l'explosion technologique spectaculaire liée au séquençage de l'ADN. Il s'agit d'un véritable travail d'équipe entre nos deux groupes, et je tiens à préciser qu'outre Romuald (post-doc EPHE - PSL), Elise Gay (ITA EPHE - PSL) et Pierre Lesturgie (un de mes anciens doctorants et élève de notre Master IMAGHE, aujourd'hui post-doc à l'Université de Lisbonne) sont également impliqués dans ce travail. »

  Stefano Mona, directeur d'études EPHE - PSL

 

 

 

L'article en ligne : A genomic test of sex-biased dispersal in white sharks | PNAS