Avis de soutenance - doctorat - Salah BAHMANI

Entre le IIᵉ/VIIIᵉ et le VIIᵉ/XIIIᵉ siècle, l'ibadisme maghrébin a connu une série de dissidences internes qui ont marqué son évolution politique, juridique et théolo-gique. Cette thèse se propose d'en retracer l'histoire, tout en défendant l'idée que ces mouvements contestataires ne doivent pas être perçus comme de simples inci-dents marginaux, mais comme des acteurs à part entière du développement doctrinal de l'ibadisme. À travers l'analyse croisée de sources historiques, juridiques et théologiques, nous montrons que les mouvements contestataires ibadites ne furent pas de simples ruptures conjoncturelles, mais des facteurs structurants dans l'évolution de la pensée du groupe. Ces mouvements, parfois éphémères, ont contribué à redéfinir les équi-libres entre pouvoir central et autonomie locale, tout en nourrissant des débats doc-trinaux majeurs sur l'imamat, la nature du pouvoir, les conditions de sa légitimation, la responsabilité religieuse, ou encore la validité de certaines pratiques rituelles. Ces dissidences ont ainsi joué un rôle dans la formalisation progressive des normes de l'orthodoxie ibadite. Nous postulons que c'est dans la confrontation avec ces courants dissidents que s'est élaborée, progressivement, une orthodoxie ibadite maghrébine construite par l'exclusion, la marginalisation ou l'assimilation partielle des mouvements concur-rents. En ce sens, l'étude des conflits internes offre un accès privilégié aux méca-nismes de construction doctrinale et à la fabrique de la mémoire communautaire, éclairant la manière dont une tradition religieuse gère sa propre pluralité pour assu-rer sa cohésion, préserver sa légitimité et transmettre une mémoire collective struc-turante, garante de son identité sur le long terme. Mots clés : ibadisme ; Maghreb médiéval ; contestation ; dissidences internes ; schismes ; imamat ; orthodoxie ; hérésiographie ; mémoire collective ; normativité doctrinale.