Avis de soutenance - doctorat - Léa FILIU
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Ecole doctorale 472
EPHE-Sorbonne au 17 rue de la Sorbonne 75005 Paris
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Soutenue par
Léa FILIU
Les charmeurs d'oiseaux. Pratiques territoriales, savoirs écologiques et relations inter-espèces dans les pratiques de chasse dites
Les chasses dites « traditionnelles » font régulièrement l'objet de controverses en France. En réaction, leurs pratiquants font d'elles un motif identitaire, considérant qu'elles sont « un mode de vie, notre mode de vie ». En comparant plusieurs chasses aux engins utilisant des oiseaux auxiliaires (chasse de l'ortolan à la matole, chasse de l'alouette à la matole et aux pantes, chasse de la palombe en palombière aux pantes ou au fusil) dans le département rural des Landes (France), et en mobilisant plusieurs méthodes de collecte de données (observation participante, entretiens, questionnaire sociographique, dépouillement d'archives inédites), cette thèse organisée en six parties questionne leur intégration à un mode de vie, entendu comme un ensemble dynamique de structures sociales et de normes d'usage exprimant un mode d'attachement plus ou moins resserré des communautés humaines vis-à-vis de leurs environnements vivants. Après avoir redonné les contours historiques et sociétaux d'un département rural très contrasté, la thèse s'intéresse aux pratiques spatiales et aux imaginaires socio-territoriaux des chasseurs aux engins landais à travers la matérialité et les principes d'organisation sociale de leurs cabanes. La thèse confirme ensuite que les revendications d'autochtonie des chasseurs ruraux issus des milieux agricoles et ouvriers répondent à la fois au constat d'un déclin de la biodiversité, à une perte de poids politique et à un bouleversement du rôle de la pratique dans les processus de socialisation contemporains (partie 1). Grâce à une enquête ethnohistorique sur les conflits et les politiques d'encadrement des chasses aux engins en France au cours des deux derniers siècles, la thèse montre que l'image moralement dégradée attachée aux chasses dites « traditionnelles » est une constante historique, sur fond de différenciations sociologiques fortes que retranscrit leur statut juridique précaire (partie 2). La « tradition » qui leur est imputée relève elle-même d'une invention récente (chapitre 7), suggérant une immuabilité trompeuse de ces chasses qui n'ont pourtant cessé, au cours du temps, de se transformer (partie 3, partie 4). La thèse critique alors la catégorisation des chasses aux engins avec auxiliaires parmi les pratiques de piégeage (partie 5) et montre que, en tant que pratiques d'oiselage, leur logique d'action est fondée sur une intention de séduction des oiseaux qui trouve ses moyens d'expression dans le façonnage des paysages, dans le travestissement physique et imaginatif des oiseleurs et dans des pratiques de familiarisation, d'intensité variable, d'oiseaux sauvages à qui une agentivité cynégétique est confiée en tant qu'auxiliaires de chasse. L'incorporation sociale de ces derniers par l'apprivoisement les rend immangeables, tandis que d'autres individus sont incorporés physiquement en étant tués et mangés ou donnés à manger : loin d'être incompatibles, la chasse, l'apprivoisement et l'élevage des oiseaux apparaissent complémentaires. La thèse montre enfin (partie 6) que les normes éthiques de la pratique se sont considérablement transformées au cours des dernières décennies, faisant de la vente du gibier chassé une transgression morale et de son partage communautaire une obligation conditionnée au profil relationnel des potentiels bénéficiaires. La métabolisation collective et saisonnière des oiseaux chassés apparaît ainsi au cœur des pratiques contemporaines d'oiselage en ce qu'elle cristallise un lien intégratif des communautés locales à leur environnement vivant. Parce qu'il contredit nos modes actuels de relation au vivant, partagés entre des affects compassionnels envers ceux que l'on ne doit pas manger et une exploitation désaffectée de ceux que l'on peut manger, l'oiselage s'élabore dans les imaginaires comme une manière politiquement engagée de rétablir une continuité symbiotique entre les communautés humaines et leurs écosystèmes.
Charming birds. Territorial practices, ecological knowledges, and inter-species relationships in so-called 'traditional' bird-catching practices in the department of the Landes (France)
So-called ‘traditional' huntings are regularly the subject of controversy in France. In response, those who practise these hunts see them as part of their identity, considering them to be ‘a way of life, our way of life'. By comparing several ‘traditional' hunting methods using auxiliary birds (ortolan hunting with ‘matole', skylark hunting with ‘matole' and ‘pantes', wood pigeon hunting in ‘palombière' with ‘pantes' or rifle) in the rural department of Landes (France), and by mobilising several methods of data collection (ethnographic fieldwork, interviews, sociographic survey, examination of historical archives), this six-part thesis questions their integration into a way of life, understood as a dynamic set of social structures and norms of use that expresses a more or less close attachment of human communities to their living environments. After outlining the historical and societal contours of a highly contrasting rural departement, the thesis looks at birder's spatial practices and socio-territorial imaginaries through the materiality and principles of social organisation of their cabins. The thesis then confirms that the claims of rural hunters from farming and working classes to autochthony are a response to the decline in biodiversity, the loss of political clout and the shifting role of hunting in contemporary socialisation processes (part 1). Thanks to an ethnohistorical study of the conflicts and policies governing birding practices in France over the last two centuries, the thesis shows that the morally degraded image attached to so-called ‘traditional' hunting is a historical constant, against a backdrop of strong sociological differentiation reflected in its precarious legal status (part 2). The “tradition” attributed to them is itself a recent invention, suggesting a deceptive immutability of these hunts, which have nonetheless never stopped to change over time (part 3, part 4). Moving on to an analysis of the pragmatic, gestural and relational aspects of these hunting methods (part 5), the thesis criticises the categorisation of gear hunting with auxiliaries among trapping practices and shows that, as birding practices, their logic of action is based on an intention to seduce the birds, which finds its means of expression in the shaping of landscapes, in the physical and imaginative disguise of the birders and in familiarisation practices, of varying intensity, of wild birds to whom a hunting agentivity is entrusted as hunting auxiliaries. The social incorporation of the latter through taming makes them inedible, while other individuals are incorporated physically by being killed and eaten or given to eat: far from being incompatible, hunting, taming and rearing birds appear complementary. Finally, the thesis shows (part 6) that the ethical norms of these practices have changed considerably over the last few decades, making the sale of hunted game a moral transgression and its community sharing an obligation conditional on the relational profile of potential beneficiaries. The collective and seasonal metabolisation of hunted birds thus appears to lie at the heart of contemporary birding practices in that it crystallises an integrative link between local communities and their living environment. Because it contradicts our current ways of relating to living things, divided between compassionate feelings towards those we shouldn't eat and disaffected exploitation of those we can, birding is emerging in the local imagination as a politically committed way of re-establishing symbiotic continuity between the human communities and their ecosystems.
Directeur de thèse :
Charles STEPANOFF
Unité de recherche :
LABORATOIRE D'ANTHROPOLOGIE SOCIALE
Membres du jury :
- Directeur de thèse : Charles STEPANOFF , Directeur d'études (EHESS)
- Rapporteur : Hèlène ARTAUD , Professeur (Muséum national d'histoire naturelle)
- Examinateur : Gaëlle RONSIN , Maître de conférences (Université Bourgogne-Franche-Comté)
- Examinateur : Christophe BATICLE , Maître de conférences (Université de Picardie Jules-Vernes)
- Examinateur : Jean-Louis FABIANI , Directeur d'études émérite (Central European University)
- Rapporteur : Michel DE FORNEL , Directeur d'études (EHESS)
Diplôme :
Doctorat Religions et systèmes de pensée
Spécialité de soutenance :
Anthropologie