Avis de soutenance - doctorat - Juliette DUVAL
Informations pratiques
Ecole doctorale 472
UMR SENS - UPVM3 - Site St Charles 2
71 rue Professeur Henri Serre
34086 Montpellier
France
Ajouter à mon calendrier
71 rue Professeur Henri Serre
34086 Montpellier
France
- iCal
- Yahoo!
- Outlook.com
- Office365
Choose a calendar service :
Soutenue par
Juliette DUVAL
Histoires des feux en paysage soudano-guinéen, d'après un croisement entre savoirs traditionnels et sédiments bimillénaires au Cameroun
Homo sapiens a modifié les paysages terrestres via ses pratiques de brûlis au cours de son évolution entière, mais aujourd'hui les feux affectent les écosystèmes et les sociétés de manière inédite, en raison des changements des usages des terres et du climat. Dans l'objectif de comprendre comment les activités humaines modifient les régimes de feu, et à travers eux, les paysages, cette thèse s'attache à retracer leur histoire commune dans une savane du Cameroun, en croisant des méthodes de paléoécologie et d'ethnoécologie. Deux carottes sédimentaires ont été prélevées, l'une dans les sédiments du lac Assom et l'autre dans l'étang Boussemi, à deux kilomètres de distance, et couvrant les deux derniers millénaires. Les mesures des fragments de macrocharbon accumulés dans les sédiments ont été confrontées aux savoirs écologiques traditionnels des populations Fulani, Mboum et Gbaya qui habitent et brûlent aujourd'hui ce paysage pour les besoins du pastoralisme, de l'agriculture et de la chasse. Une centaine d'entretiens ont été réalisés, parmi lesquels 60 entretiens semi-directifs basés sur des outils quantitatifs auprès des bergers Fulani, stigmatisés pour leurs feux. Une large partie de ce volet quantitatif, se consacre à la plante invasive Chromolaena odorata qui constitue aujourd'hui un bouleversement socioécologique majeur dans la région. Jouant sur l'échelle spatiale, la thèse décompose les régimes de feu en différentes facettes bioculturelles ; jouant sur l'échelle temporelle, elle retrace des dynamiques de maintien et de transition des régimes de feu, de la végétation et des pratiques de brûlis.
Nos résultats démontrent que les histoires accessibles via des données paléoécologiques et ethnoécologiques sont largement dépendantes des mécanismes de production, transfert, accumulation et échantillonnage auxquels sont soumis d'une part les charbons sédimentaires, selon la géomorphologie du paysage, et de l'autre les savoirs écologiques dits traditionnels, selon les traits culturels et la génération des personnes interrogées. Néanmoins, ces archives sédimentaires et orales s'avèrent remarquablement cohérentes sur au moins trois événements. Il y a une dizaine de siècles, l'implantation de l'agriculture mboum est associée à un minimum de feux régionaux qui s'interprète par une maîtrise du phénomène ; il y a deux siècles, les conquêtes européennes et fulani correspondent à des régimes de feu hors du commun pour la séquence ; enfin actuellement, l'afforestation qui menace le pastoralisme et accroît le risque de feu, avec l'allongement de la saison sèche, est lisible dans les charbons sédimentaires déposés ces dernières décennies. Dans ce contexte, il semble urgent que les institutions de gestion environnementale abandonnent la lutte menée contre le feu au nom de la déforestation. Elles gagneraient à mieux prendre en compte les connaissances et savoir-faire locaux, potentiellement menacés d'extinction à l'instar de la biodiversité de la savane, où les nouveaux régimes de feu se combinent à d'autres pressions anthropiques autrement plus inédites, et problématiques (p. ex. mines et pesticides).
Fire histories in a Sudano-Guinean landscape, traced through traditional knowledge and two millenia of sediment archives in Cameroon
Homo sapiens has long modified terrestrial landscapes through fire-based practices, yet today fire affects ecosystems and societies in unprecedented ways due to shifts in land use and climate. In order to understand how human activities alter fire regimes—and, through them, landscapes—this dissertation seeks to reconstruct their intertwined history in a savannah region of Cameroon, through a combination of paleoecological and ethnoecological approaches.
Two sediment cores were extracted, one from Lake Assom and the other from the nearby Boussemi pond, located two kilometers apart, both covering the past two millennia. The analysis of macrocharcoal fragments accumulated in the sediments was compared with the traditional ecological knowledge of the Fulani, Mboum, and Gbaya populations, who currently inhabit—and burn—this landscape for the purposes of pastoralism, agriculture, and hunting.
Around one hundred interviews were conducted, including sixty semi-structured interviews using quantitative tools with Fulani herders, often stigmatized for their use of fire. A substantial portion of the quantitative analysis focuses on the invasive plant Chromolaena odorata, which today represents a major socioecological upheaval in the region.
On a spatial scale, the dissertation disaggregates fire regimes into their various biocultural components; on a temporal scale, it traces both the continuity and the transformation of fire regimes, vegetation, and burning practices over time.
Our findings demonstrate that the histories accessible through paleoecological and ethnoecological data are highly dependent on the mechanisms of production, transfer, accumulation, and sampling that affect, on the one hand, sedimentary charcoal—shaped by the geomorphology of the landscape—and on the other hand, so-called traditional ecological knowledge—shaped by cultural backgrounds and the generational position of interviewees.
Nevertheless, these sedimentary and oral archives show remarkable coherence regarding at least three key events:
A millennium ago, the establishment of Mboum agriculture coincided with a regional minimum in fire activity, interpreted as a sign of fire mastery; two centuries ago, the Fulani and European conquests were associated with an exceptional fire regime within the sequence; and in recent decades, afforestation—which threatens pastoralism and increases fire risk due to the lengthening of the dry season—is also clearly visible in the sedimentary charcoal record.
In this context, it appears urgent for environmental management institutions to move beyond fire suppression policies driven by anti-deforestation narratives. Instead, they should better integrate local knowledge and expertise, which are themselves at risk of extinction—much like savannah biodiversity—under pressure from emerging fire regimes and other, often more critical, anthropogenic threats (e.g., mining and pesticides).
Directeur de thèse :
Laurent BREMOND
Unité de recherche :
ISEM - Institut des Sciences de l'Evolution -Montpellier
Membres du jury :
- Directeur de thèse : Laurent BREMOND
- Rapporteur : Doyle MCKEY , Professeur émérite (CNRS UM)
- Rapporteur : Pierre COUTERON , Directeur de recherche (IRD)
- CoDirecteur de thèse : Stéphanie CARRIERE , Directeur de recherche (IRD)
- Examinateur : Irene TEIXIDOR TONEU , Assistant professor (IMBE – UMR CNRS 7263 / IRD 237 / Aix Marseille Université / Avignon Université.)
- Examinateur : Aline GARNIER , Maître de conférences (Université Paris-Est Créteil)
Diplôme :
Doctorat Systèmes intégrés, environnement et biodiversité
Spécialité de soutenance :
Biodiversité et écosystèmes fossiles et actuels