Avis de soutenance - doctorat - Giacomo SIGNORE
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Ecole doctorale 472
Campus Condorcet: Bâtiment de recherche Nord
IRHT-CNRS: 14 Cours des Humanités
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Giacomo SIGNORE
Copistes, livres et bibliothèques comme agrégateurs de savoir : La collection manuscrite d'Albert Löffler O.P. (m. 1462) et les pratiques matérielles de la transmission intellectuelle
Ce travail explore la formation intellectuelle, les pratiques scripturaires et l'agency épistémique du frère dominicain de Bâle Albert Löffler († 1462), copiste prolifique actif des années 1430 au début des années 1460. En s'appuyant sur des données paléographiques, codicologiques et textuelles, l'étude reconstitue et analyse son vaste corpus manuscrit – plus de quarante volumes – afin de révéler à la fois une trajectoire intellectuelle personnelle et les dynamiques culturelles plus larges qui l'ont façonnée, situées à l'intersection de l'enseignement universitaire, de l'Observance et du Concile de Bâle.
Les six chapitres sont conçus comme des études de cas distinctes mais complémentaires. Le chapitre I introduit un cadre théorique et méthodologique permettant d'aborder les manuscrits médiévaux tardifs comme des systèmes dynamiques de savoir, en présentant Löffler comme un « agrégateur de connaissances ». Le chapitre II retrace sa formation initiale à Ulm et Heidelberg et montre comment celle-ci a influencé ses premières compilations. Le chapitre III se concentre sur les années universitaires de Löffler (1436–1440) à Heidelberg, marquant sa transition de simple étudiant à producteur actif de textes dans un milieu académique collaboratif. Le chapitre IV aborde un tournant vers des priorités pastorales et conciliaires (1440–1445), en lien avec son rôle de copiste professionnel au Concile de Bâle, où il copia des matériaux liés à la confession, à la prédication et aux débats théologiques en cours. Le chapitre V examine ses premières années chez les Dominicains (1445–1450), où une production scripturaire réduite reflète une implication croissante dans la pédagogie dominicaine et la vie monastique. Le chapitre VI étudie la période de maturité de Löffler (1451–1462), en mettant l'accent sur son activité de prédicateur-confesseur et ses collaborations avec d'autres frères et bibliothécaires à Bâle et dans la région de Worms.
Trois conclusions générales se dégagent. Premièrement, des figures comme Löffler doivent être reconnues comme des agents intellectuels : leur travail dépasse la simple reproduction et inclut compilation, intervention « éditoriale », structuration pédagogique, voire copie créative et rédaction. Deuxièmement, une analyse conjointe du contexte et de la matérialité est essentielle pour comprendre l'usage et la signification des manuscrits. Troisièmement, la production manuscrite du XVe siècle était rarement solitaire : elle était collaborative, façonnée par des besoins institutionnels, pastoraux et éducatifs.
Une section comparative finale contextualise le cas de Löffler dans un paysage européen plus large de scribes médiévaux tardifs. Elle aborde des figures telles que Henri de Rheinfelden, Crux de Telč, Mattheus Beran, Jean Sintram, Mauro Lapi et Kunigunde Schreiberin. Malgré leurs différences individuelles, ces copistes présentent des traits convergents : usage modulaire d'unités textuelles, pratiques collaboratives et éthique de la transmission du savoir fondée sur le partage communautaire. Des figures comme Löffler ne copiaient pas seulement dans un but de mémoire institutionnelle ou de dévotion privée, mais contribuaient à la formation de ce qu'on pourrait appeler un « commun textuel » : une infrastructure intellectuelle partagée, portée par des individus concevant leur travail comme un service.
En définitive, cette étude montre comment des scribes comme Löffler ont contribué à l'édification d'un véritable « écosystème textuel » dans l'Europe du XVe siècle. Leurs volumes manuscrits – produits avant et parallèlement à la diffusion de l'imprimé – servaient d'instruments d'engagement intellectuel, spirituel et civique. Les manuscrits n'étaient pas des artefacts figés, mais des outils vivants de mémoire et de pédagogie. En reconstruisant cet univers, la thèse contribue à une compréhension plus fine de la culture textuelle médiévale tardive et du rôle culturel de ses scribes.
Copyists, books, and libraries as knowledge aggregators: The manuscript collection of Albert Löffler O.P. (d. 1462) and the material practices of intellectual transmission
This work explores the intellectual formation, scribal practices, and epistemic agency of the Basel Dominican friar Albert Löffler (d. 1462), a prolific copyist active from the 1430s to the early 1460s. Based on palaeographical, codicological, and textual evidence, the study reconstructs and analyses his extensive manuscript corpus – over forty volumes – to reveal both a personal intellectual trajectory and the broader cultural dynamics that shaped it, situated at the intersection of university education, Observant reform, and the Basel Council.
The six chapters are conceived as distinct yet overlapping case studies. Chapter One introduces a theoretical and methodological framework to approach late medieval manuscripts as dynamic systems of knowledge, framing Löffler as a “knowledge aggregator.” Chapter Two retraces his formative training in Ulm and Heidelberg and shows how this influenced his early compilations. Chapter Three focuses on Löffler's university years (1436–1440) in Heidelberg, marking his transition from student to active textual producer in a collaborative academic milieu. Chapter Four discusses a shift toward pastoral and conciliar priorities (1440–1445), in connection with his role as professional copyist at the Council of Basel, where he copied materials related to confession, preaching, and the ongoing theological debates. Chapter Five examines his early Dominican years (1445–1450), where a reduced scribal output reflects increasing engagement with Dominican pedagogy and monastic life. Chapter Six studies Löffler's mature period (1451–1462), with emphasis on his work as preacher-confessor and his collaborations with other friars and librarians in Basel and the Worms area.
Three general conclusions emerge. First, figures like Löffler should be recognised as intellectual agents: their work goes beyond reproduction to include compilation, “editorial” intervention, pedagogical structuring, and even creative copying and writing. Second, a combined material and contextual analysis is essential to understand manuscript use and meaning. Third, fifteenth-century manuscript production was rarely solitary: it was collaborative, shaped by institutional, pastoral, and educational needs.
A final comparative section contextualises Löffler's case within a wider European landscape of late medieval scribes. It discusses figures such as Henry of Rheinfelden, Crux de Telč, Mattheus Beran, John Sintram, Mauro Lapi, and Kunigunde Schreiberin. Despite individual differences, these copyists display converging traits: modular use of textual units, collaborative practices, and an ethics of knowledge transmission rooted in communal sharing. Figures like Löffler were not merely copying for the sake of institutional memory or private devotion, but contributing to the formation of what might be called a textual commons: a shared intellectual infrastructure sustained by individuals who understood their work as a form of service.
Ultimately, this study shows how scribes like Löffler contributed to the building of a vibrant “textual ecosystem” in fifteenth-century Europe. Their hand-copied volumes – created before and alongside the diffusion of print – served as instruments of intellectual, spiritual, and civic engagement. Manuscripts were not static artefacts but living tools of memory and pedagogy. By reconstructing this world, the thesis contributes to a more nuanced understanding of late medieval textual culture and the cultural agency of its scribes.
Directeur de thèse :
Monica BRINZEI
Unité de recherche :
Institut de recherche et l'histoire des textes IRHT
Membres du jury :
- Directeur de thèse : Monica BRINZEI , Directeur de recherche (EPHE PARIS)
- Rapporteur : Isabel IRIBARREN , Full professor (Faculté de Théologie catholique, Université de Strasbourg)
- Rapporteur : Lucie DOLEZALOVA , Full professor (Univerzita Karlova Prague, Filozofická fakulta)
- Examinateur : Silvia NEGRI , Associate professor (Universität Zürich, Historisches Seminar)
- Président : Christophe GRELLARD
Diplôme :
Doctorat Religions et systèmes de pensée
Spécialité de soutenance :
Histoire et Histoire de l'Art