Avis de soutenance - doctorat - Antonin CHARRIE-BENOIST

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Ecole doctorale 472
EPHE au 17 rue de la Sorbonne 75005 Paris Escalier E Salle D059 Jules Delamarre
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Soutenue par Antonin CHARRIE-BENOIST

La vie intellectuelle à Ravenne de Maximianus à Agnellus (m-VIe — mi-IXe s.)

Tandis que la Ravenne altomédiévale a été bien étudiée, en particulier sous l'angle de l'histoire politique et sociale, son histoire intellectuelle reste relativement peu explorée, notamment en comparaison avec l'Antiquité tardive qui a vu émerger des figures majeures telles que Cassiodore ou Boèce. Cette thèse se propose d'étudier la « vie intellectuelle » ravennate au haut Moyen Âge dans ses différentes dimensions : école et enseignement ; production, transmission et conservation des textes et des manuscrits ; pratiques de la lecture et alphabétisation ; usages politiques et ecclésiologiques des textes. Pour étudier les élites intellectuelles locales et leurs pratiques —depuis l'évêque Maximianus, auteur, notamment, d'une chronica au milieu du VIᵉ siècle, jusqu'à Agnellus, à qui l'on doit le Liber pontificalis ecclesiae Ravennatis au milieu du IXᵉ siècle— un large éventail de sources doit être mobilisé: textes littéraires, manuscrits, papyrus, chartae, inscriptions et, plus modérément, iconographie. Ces sources sont inégalement réparties selon les périodes et apparaissent souvent comme des îlots documentaires isolés. L'objectif de cette recherche est donc de les considérer comme les éléments constitutifs d'un archipel plus vaste afin de reconstruire la vie intellectuelle de la cité dans ses contextes politique, ecclésiastique et culturel. La source la plus riche étant également la plus tardive —le Liber pontificalis d'Agnellus, qui livre des éléments précieux sur l'histoire de la ville et de son Église— il a paru pertinent de procéder, à la manière des archéologues, à rebours, depuis les couches les plus récentes vers les plus anciennes. La première partie constitue ainsi une sorte de survey. Le chapitre 1 analyse le Liber pontificalis, sa nature et son auteur. Le chapitre 2 examine ensuite le paysage culturel de Ravenne tel qu'il se dessine à travers l'interaction entre Agnellus —en tant qu'auteur ou lecteur public— et son auditoire ou lectorat. Le chapitre 3 s'attache aux sources mobilisées par Agnellus, dans le but de retracer l'existence et l'organisation de bibliothèques et archives entendus comme des lieux de savoir. La deuxième partie du travail creuse vers les strates documentaires plus anciennes. Le niveau stratigraphique suivant —que nous qualifions de « long VIIIᵉ siècle » (des années 770 au début du IXᵉ siècle)— est souvent tenu pour des « âges sombres ». Le chapitre 4 s'intéresse au dossier hagiographique de Barbatianus —lié à des figures comme Galla Placidia ou un évêque Petrus— et notamment aux Acta Barbatiani, dont la composition pourrait remonter à cette période. Le chapitre 5 aborde la question de l'alphabétisation et des dynamiques sociales de la production de livres à partir des sources documentaires (papyri et chartae), avec un focus particulier sur deux personnages bien attestés : Iohanicis, ancêtre d'Agnellus, et l'évêque Félix. Le chapitre 6 étudie les rares manuscrits susceptibles d'avoir été produits à Ravenne au cours de cette période. Il s'attache à la nature fragmentaire de la documentation et à l'évidente circulation de manuscrits depuis la ville pendant ce « long VIIIᵉ siècle ». Enfin, la couche stratigraphique la plus basse —couvrant la période allant de l'épiscopat de Maximianus (546–556/557) à ceux de Maurus (643–671) et de Reparatus (671–677)— se distingue par le nombre significatif de manuscrits attribués à Ravenne. Le chapitre 7 analyse ces manuscrits en évaluant les critères retenus pour leur datation et leur localisation. Le chapitre 8 s'intéresse aux contextes de production et d'usage de ces manuscrits, selon une approche sociale et institutionnelle. Enfin, le chapitre 9 examine comment, au cours de ce long siècle, les fondements d'une memoria urbis se sont progressivement construits. Il s'intéresse également à la production de textes doctrinaux afin de questionner la représentation d'une Ravenne orthodoxe qui apparaît dans des sources ultérieures comme le Liber pontificalis.

The Intellectual Life in Ravenna from Maximianus to Agnellus (mid-5th — mid-9th c.)

Early medieval Ravenna has been studied from various perspectives—particularly political—given its role as a Byzantine political center. In contrast, its intellectual history remains relatively understudied, particularly in comparison with Late Antiquity, which produced prominent figures such as Cassiodorus and Boethius. This dissertation aims to explore the “intellectual life” of early medieval Ravenna in its multiple dimensions: schooling and education; the production, transmission, and preservation of texts and manuscripts; reading practices and literacy; and the political and ecclesiological uses of texts. To investigate the local intellectual elite and their practices—from Bishop Maximianus, who composed, among other texts, a chronica in the mid-sixth century, to Agnellus, the author of the Liber pontificalis ecclesiae Ravennatis in the mid-ninth century—a range of diverse sources is available: literary texts, manuscripts, papyri, chartae, inscriptions, and iconographic materials. These sources are highly uneven across the centuries and often appear as isolated documentary units—or at least have traditionally been studied as such. The aim of this research is therefore to consider them as part of a broader sequence in order to reconstruct the city's intellectual life within its political, ecclesiastical, and cultural contexts. Since the most substantial of these sources is the latest one—Agnellus's Liber pontificalis, which offers valuable insights into the history of the city and its church—it seemed appropriate to adopt a methodology inspired by archaeology, proceeding in reverse chronological order, from the most recent layer back to the earlier ones. The first part of the thesis thus serves as a kind of survey. Chapter 1 analyzes the Liber pontificalis in terms of its nature, authorship, and textual status. Chapter 2 builds on this to examine the cultural landscape of Ravenna as it emerges from the interaction between Agnellus—as author or lecturer—and his intended audience or readership. Chapter 3 investigates the sources used by Agnellus, seeking to trace the existence and organization of libraries and archives as places/spaces of knowledge. The second part of the study delves into earlier source layers. The next stratigraphic level—what I refer to as the “long eighth century” (from the 770s to the early ninth century)—is often regarded as part of the so-called Dark Ages. Chapter 4 examines the hagiographic dossier of Saint Barbatianus—linked to figures such as Galla Placidia and a bishop named Petrus—notably including the Acta Barbatiani, which may have been composed during this period. Chapter 5 addresses the question of literacy and the social dynamics of book production through documentary sources (papyri and chartae), with a particular focus on two well-documented figures: Iohanicis, an ancestor of Agnellus, and Bishop Felix. Chapter 6 considers the few surviving manuscripts that may have been produced in Ravenna during this period. It explores the fragmentary nature of the evidence and the apparent dispersal of manuscripts from the city during the “long eighth century.” Finally, the lowest stratigraphic layer—covering the period from the episcopate of Maximianus (546–556/557) to those of Maurus (643–671) and Reparatus (671–677)—is notable for the significant number of manuscripts attributed to the city. Chapter 7 analyzes these manuscripts, evaluating the criteria used for their localization and dating. Chapter 8 investigates the contexts of their production and use through a socio-institutional lens. Lastly, Chapter 9 examines how, over the course of this long century, the foundations of memoria urbis were constructed. It also considers the production of doctrinal texts as a means of questioning the portrayal of Ravenna as an orthodox city in later sources such as the Liber pontificalis.
Directeur de thèse :
Michel-Yves PERRIN
Cotutelle :
Université d'Udine (ITALIE)
Unité de recherche :
Laboratoire d'études sur les monothéismes
Membres du jury :
  • Directeur de thèse : Michel-Yves PERRIN
  • Directeur de thèse : Emanuela COLOMBI , Professeur des universités (Université d'Udine)
  • Rapporteur : Cristina LA ROCCA , Professeur des universités (Université de Padoue)
  • Rapporteur : Tino LICHT , Professeur des universités (Université de Heidelberg)
  • Examinateur : François BOUGARD , Directeur de recherche (IRHT (CNRS, UPR 841))
  • Examinateur : Salvatore COSENTINO , Professeur des universités (Université de Bologne)
  • Examinateur : Catherine SALIOU
  • Examinateur : Warren PEZÉ , Maître de conférences (UPEC)
Diplôme :
Doctorat Religions et systèmes de pensée
Spécialité de soutenance :
Etudes médiévales