Avis de soutenance - doctorat - Claire-Marie VIENNET

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Ecole doctorale 472
EPHE - Maison de l'Homme au 54 boulevard Raspail 75006 Paris - Salle 1
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Soutenue par Claire-Marie VIENNET

Le pied dans le placard : Liminalités des identités LGBT+ dans l'Église catholique en France

Cette thèse s'intéresse aux conditions de visibilité des personnes LGBT+ dans l'Église catholique en France. L'enjeu est de comprendre comment ces identités se trouvent ni pleinement incluses ni pleinement exclues des espaces ecclésiaux, en mobilisant la notion de liminalité. En croisant la sociologie des religions avec les études de genre et de sexualité, l'enquête repose sur une méthodologie qualitative et l'exploration de trois terrains distincts : des paroisses parisiennes, des collectifs de croyants LGBT+, ainsi qu'un terrain dématérialisé via le réseau social Instagram. Outre des observations participantes, l'étude s'appuie sur des entretiens avec des prêtres, des acteurs associatifs et des personnes concernées, afin de saisir les expériences vécues, les normes mobilisées et les représentations en circulation autour de ces identités dans l'institution catholique. L'analyse met en évidence que, dans les paroisses et chez les prêtres, le niveau de participation de ces identités résulte d'une combinaison de facteurs instables, contingents et difficilement prévisibles. La question de la visibilité — notamment celle des couples de même sexe — y joue un rôle central, dans la mesure où elle est généralement amalgamée à une forme de reconnaissance. Du côté des personnes concernées, la liminalité se joue d'abord au niveau de la subjectivité. Le processus de coming in — devenir visible à soi — constitue un travail d'intégration intérieure allant du chaos identitaire à une remise de sens. L'appartenance à une communauté croyante socialement favorisée semble être un facteur facilitateur et l'un des meilleurs prédicteurs dans les trajectoires d'affiliation ou de désaffiliation au catholicisme. Cependant, la sortie de cette liminalité intérieure ne signifie pas sa disparition dans les espaces relationnels. Elle demeure souvent à l'œuvre dans les paroisses et les familles, où elle se traduit par un ensemble de stratégies, de marges de manœuvre, de négociations et de calculs en perpétuel ajustement. C'est dans cet entre-deux mouvant que s'installent silences, actes d'énonciation de soi et formes discrètes de « laisser voir » ou de « ne pas s'en cacher ». Une meilleure inclusion semble passer par la reconnaissance du couple de même sexe stable et fidèle, portée par certains groupes. Cette redéfinition de la présence de l'homosexualité peut toutefois exclure d'autres identités ou formes relationnelles. Ces groupes, bien qu'aidant à concilier foi et orientation sexuelle, présentent ainsi certaines limites structurelles, inévitables. Cette thèse contribue également à éclairer les formes de condamnation et d'exclusion discrète portées par les mouvements conservateurs, dans un contexte avancé de l'inversion de la question homosexuelle. Inscrite dans un discours plus large sur la « bonne sexualité », l'homosexualité y occupe de nouveau une position liminale, érigée en contre-modèle implicite. Quelques mentions compassionnelles sécularisées et psychologisantes suffisent à rappeler la prescription principale : s'abstenir de passer à l'acte. Le ton et la forme de ces discours tendent ainsi à sortir des représentations communes de l'exclusion comme phénomène spectaculaire et visible. Cette recherche invite donc à repenser le positionnement des personnes LGBT+ dans l'Église catholique, le Mariage pour tous ayant constitué un déclencheur de nouveaux questionnements et pratiques pastorales, entre exclusion discrète, tolérance conditionnelle et travail d'inclusion.

The foot in the closet : Liminalities of LGBT+ Identities in the Catholic Church in France

This PdD thesis explores the conditions of visibility for LGBT+ individuals within the Catholic Church in France. It aims to understand how these identities are neither fully included nor entirely excluded from ecclesial spaces, using the concept of liminality as a key analytical lens. Drawing on the sociology of religion and gender and sexuality studies, the research is based on a qualitative methodology and the investigation of three distinct fields: Parisian parishes, LGBT+ Christian collectives, and a dematerialized field on the social network Instagram. In addition to participant observation, interviews were conducted with priests, activists, and LGBT+ respondents, in order to examine lived experiences, normative frameworks, and representations within the Catholic institution. The analysis shows that within parishes and among priests, the degree of engagement with LGBT+ issues results from a combination of unstable, contingent, and often unpredictable factors. Visibility—particularly that of same-sex couples—is central, as it is often conflated with a form of recognition. On the side of the individuals themselves, liminality operates first at the level of subjectivity. The process of coming in—becoming visible to oneself—involves an internal process of identity realignment, moving from identity chaos to a reconfiguration of meaning. Belonging to a favored faith community appears to be a facilitating factor and one of the best predictors of whether individuals continue or distance themselves from the Catholic Church. However, the resolution of this inner liminality does not imply its disappearance from relational contexts. It often persists within families and parishes, where it generates various strategies, negotiations, and ongoing adjustments. In this shifting in-between, silences, tactical acts of self-disclosure, and discreet forms of "letting oneself be seen" take shape. In certain groups, inclusion is achieved through the recognition of the stable and faithful same-sex couple as a new horizon of legitimacy. Yet such inclusion also brings its own normative frameworks, which may exclude other identities or relational forms. These groups, while supporting reconciliation between faith and sexual orientation, also reveal certain structural limits. This study also sheds light on the subtle forms of condemnation and exclusion promoted by conservative movements, in the context of a broader shift in how homosexuality is addressed. Framed within a discourse on “good sexuality,” homosexuality retains a liminal position, implicitly erected as a counter-model. A few secularized, compassionate, and psychologizing mentions are often enough to reaffirm the main prescription: abstain from acting. The tone and form of these discourses tend to deviate from conventional representations of exclusion as a spectacular or visible phenomenon. This research thus invites a rethinking of the position of LGBT+ individuals within the Catholic Church, with the Mariage pour tous serving as a catalyst for new questions and pastoral practices—situated between discreet exclusion, conditional tolerance, and efforts toward inclusion.
Directeur de thèse :
Séverine MATHIEU
Unité de recherche :
Groupe sociétés, religions, laïcités
Membres du jury :
  • Directeur de thèse : Séverine MATHIEU
  • Rapporteur : Pascale MOLINIER , Professeur des universités (Université Paris 13)
  • Rapporteur : Eric FASSIN , Professeur des universités (Université Paris 8)
  • Président : Céline BÉRAUD , Directeur d'études (EHESS)
  • Examinateur : Denis PELLETIER
Diplôme :
Doctorat Religions et systèmes de pensée
Spécialité de soutenance :
Sociologie